CONNAISSEZ-VOUS LES “PROCESS-BIS” DE VOS ÉQUIPIERS ?

Le processus officiel, parfois une procédure formalisée, est généralement conçu en usine par des techniciens, et dans les bureaux par un informaticien ou un administratif. Ce processus n’est pas toujours capable de produire le résultat escompté sans difficulté. Face à ce problème, se développent alors des moyens détournés que je propose d’appeler des “process-bis”. Identifier de tels process-bis est un bon point de départ pour engager un travail de coopération et d’amélioration. 

Quelques exemples de process-bis : 

L’ouvrier qui dit : « C’est toujours dans ce virage que le produit coince » en montrant un long crochet “bricolé” qui permet de régler le problème à partir de son poste de travail. 

L’infirmière à domicile d’un groupement médical qui dit : « Moi, j’achète moi-même ce produit à la pharmacie, celui “qu’ils nous donnent” n’est pas commode ».

Pour le manager qui découvre ce décalage entre le processus théorique et la “vraie vie”, attention à la réaction réflexe ! Il est facile de nier l’existence du problème en se réfugiant dans un : « Ce n’est pas comme ça qu’on doit faire… », irréfléchi. Au contraire, cette situation est une superbe occasion d’apprentissage : si le standard n’est pas appliqué, c’est le plus souvent pour une bonne raison. Comprendre pourquoi les opérationnels ont décidé d’en passer par un process-bis permet d’accepter l’existence d’une anomalie, puis de s’engager avec les intéressés dans une résolution du problème, évidemment reçue positivement par ces derniers.

Autre exemple :

La personne à l’accueil client qui dit : « La cliente n’était pas contente, je la comprenais mais je n’y pouvais rien car son cas n’était pas prévu ; et puis, j’ai eu une idée, j’ai fait quelque chose qui n’était pas réglementaire et ça a marché. C’était bon pour l’entreprise puisque la cliente était satisfaite, bon pour la cliente, et bon pour moi car j’avais eu la bonne idée. Et le chef n’y verra rien ! »

On l’aura compris, cette dernière remarque est la plus importante : « Et le chef n’y verra rien ! ». Chaque process-bis est un aveu : on préfère bricoler une solution soi-même, si on en parle ce sera plus compliqué, plus difficile, plus lent, et peut-être même carrément mauvais pour sa propre image… Bref, un process-bis c’est pratiquement toujours un message de défiance vis-à-vis du management direct et de la technostructure en général. 

Mais les process-bis sont aussi extrêmement positifs ; ils sont un signe patent que les personnes sont de bonne volonté et qu’elles trouvent des moyens ingénieux pour effectuer les opérations nécessaires à la production du produit ou du service lorsque le chemin officiel est bouché. D’une façon un peu provocatrice, on peut dire que : « Les process-bis, c’est ce que font les personnes pour produire malgré les managers » (ou malgré les ingénieurs…).

Aux achats, dans un bureau d’étude, dans un centre R&D ou administratif, c’est parfois une personne qui sait que, dans le logiciel censé l’aider, telle fonction est buggée, et qui trouve un moyen de contourner la difficulté ; astuce qui se propage rapidement à toute l’équipe. Ce process-bis devient un élément de l’identité même de l’équipe, qui se transmet comme un secret aux nouveaux arrivants : « Là, ne t’inquiète pas, y’a un truc… ! ». Et le process-bis sert alors à cristalliser la défiance de l’équipe vis-à-vis du système, mais aussi la cohésion au sein de l’équipe. Preuve, encore une fois, que l’interdépendance solidaire est finalement souhaitée par tous lorsqu’elle vise une amélioration partagée.

Mais alors, il faut bien quand même qu’on décide d’une façon de faire… Oui, bien sûr, mais le standard initial, défini lorsqu’on a conçu le processus de production d’un produit ou service, peut être considéré comme un point de départ, une base d’amélioration non figée. On change complètement de paradigme, en commençant par définir le vocable différemment :

  1. “Standard”, sens habituel : façon de faire immuable, décidée ailleurs et que chacun a l’obligation d’appliquer.
  2. “Standard”, sens à instaurer : état actuel, compris par tous, de notre façon de faire, dans une démarche collective d’amélioration continue.

La façon de faire elle-même, le geste de la main, les étapes concrètes, peuvent être identiques à un moment donné, mais ce sera la relation entre la personne et son travail qui deviendra, à l’évidence, extrêmement différente selon l’acception du terme “standard” qu’on adopte.

Suivant la manière dont le management le conçoit, le standard peut favoriser la défiance ou la confiance et la coopération, et promouvoir deux cultures d’entreprise radicalement différentes. 

Cet éclairage, ainsi que de nombreux moyens d’améliorer l’efficacité du management quotidien est développé dans mon livre “La performance de l’entreprise, une histoire d’amour” Studyrama Éditions.